💥 Je décrypte + je vous donne mon avis sur la dernière campagne de com des Vins de Bordeaux
Chapitre 23, On analyse.
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Bonjour, bonjour 👋
Bienvenue dans cette 23e édition de Com & Cru. La newsletter sans chichis dédiée à la com des acteurs innovants de la filière vin et spiritueux. Que vous vous soyez abonnés il y a 2 semaines ou que vous me lisiez depuis le début, merci beaucoup 🫶
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Dans cette édition de Com & Cru, on va analyser la dernière campagne de communication des Vins de Bordeaux que vous avez peut-être déjà vue sur les réseaux sociaux.
Mon but ? Que vous puissiez rester à la pointe des dernières actus du secteur.
Mon avis d’experte 🔍
Un contexte difficile pour Bordeaux
Bon, je le sais, vous le savez, nous le savons : ça fait quelques années maintenant que le vignoble bordelais est dans la sauce. La faute au grand méchant Bordeaux bashing. Pour faire simple, les gens trashent les vins de Bordeaux gratuitement. La raison ? Ils viennent de Bordeaux.
Mature.
Selon Stéphane Derenoncourt, consultant et vigneron bordelais, le Bordeaux bashing aurait commencé en 1997 avec la vente d’un mauvais millésime à prix élevé et se serait ancré durablement dans les années 2000 (source : La Revue du Vin de France).
En réalité, le Bordeaux bashing a été nourri par l’image désuéte que les gens ont du vignoble bordelais, caractérisé par :
l’utilisation du bois neuf qui donne des vins très boisés et la recherche excessive de maturité
les tests de pesticides qui montrent que les vins de Bordeaux contiennent des résidus (source : La Revue du Vin de France), une info dont les médias ont beaucoup parlé et qui a contribué à alimenter ce désintérêt
la hausse des prix des Grands Crus bordelais entre 1986 et 2012 qui avoisine les 700% (source : Ouest-France) du fait des multiples rachats par des institutionnels ou financiers
l’image des vins rouges “à la papa” très boisés qui se boivent uniquement avec des plats en sauce qui demandent un temps de préparation conséquent ou des pièces de viande (plus tout à fait ce à quoi aspire certains consommateurs)
Résultat ? Les gens se sont détournés des vins de Bordeaux en pensant que c’est ultra ring et certains vignerons en sont réduits à devoir arracher pour survivre.
On rajoute à ça une bonne couche de mildiou et de déconsommation, et on obtient une situation un peu merdique.
Le vignoble le plus connu au monde fait face à une crise sans précédent. Le 20 janvier 2023, une enquête de la Chambre d'agriculture de la Gironde révélait qu'un quart des viticulteurs souhaitent arracher totalement leurs vignes.
Source : Ouest-France
Mais alors Bordeaux, c’est fini ? Bahnondutout.
Bordeaux se bouge pour sortir de l’ornière et faire taire les mauvaises langues en innovant. Vous voulez des exemples ? J’en ai des tas.
Le collectif des Bordeaux Pirates, celui des Bordeaux Crafters qui sera présent à WineParis, les Vignobles Bardet qui ont sorti une cuvée Peaky Blinders puis une cuvée Seigneur des Anneaux, le Château Edmus qui a annoncé la sortie du premier Saint-Émilion désalcoolisé, la cuvée Source du Château St-Ferdinand qui est un vin sans souffre dont le packaging a été développé en éco-conception, sans capsule avec une étiquette produite sans bois et une bouteille allégée !
Bordeaux innove en conjuguant la tradition au présent.
La preuve avec cette nouvelle campagne.
Une campagne attendue comme le messie
Après 10 ans de silence, la marque collective du CIVB s’est dotée d’une toute nouvelle identité placée sous le signe de la “street culture” avec la vocation d’être inspirante et d’inspirer.
Le but ? Créer une marque forte et rompre avec l’idée Bordeaux = vieillot.
Cette nouvelle identité, accompagnée d'une campagne de com mondiale a été orchestrée par l'agence So Bang.
Cette campagne représente l'histoire des différentes appellations bordelaises et de ceux qui les façonnent, avec pour objectif de rajeunir leur image à l'échelle internationale et séduire de nouveaux consommateurs.
La campagne, comprenant plusieurs films et visuels, est diffusée en France et à l'international, notamment aux États-Unis, en Belgique et au Royaume-Uni. Et sera déployée en 2025 en Chine et au Japon.
Un ADN urbain pour s’affirmer
Pour changer la perception de Bordeaux, le CIVB a fait le choix d’une nouvelle identité de marque qui prend sa source dans la culture urbaine (street culture). Mais quel est l’avantage pour une marque collective de vin très traditionnelle ?
Avant d’y répondre, on pose les bases.
Un peu d’histoire
Née dans les quartiers défavorisés du Bronx dans les années 1970, la culture urbaine est une réponse créative à l’adversité et à la misère.
Elle remet en question les normes établies et donne la parole aux marginalisés, lui permettant ainsi :
d’aborder les problèmes sociaux
et de renforcer le tissu communautaire
À une époque où la rue était tout, sauf à la mode.
La culture urbaine, c’est ce qu’on connait aujourd’hui : le street art, le hip-hop, le rap, le breakdance, les sneakers, etc.
Aujourd’hui, la street à la cote. Et ça, les marques l’ont compris.
J’ai trouvé un excellent article de blog à ce sujet sur Nonante Cinq, qui situait le début des collaborations entre les marques et la street culture en 1986 avec les Run-DMC et la marque Adidas.
Nous sommes en 1986. Lyor Cohen, jeune cadre dynamique dans la maison de disques Def Jam, invite Angelo Anastasio, responsable marketing chez Adidas, au concert de ses protégés au Madison Square Garden : les Run-DMC ! Quelques mois plus tôt, ces derniers avaient enregistré pour le fun un morceau intitulé My adidas. Ils étaient à mille lieues de penser que ce morceau aurait un réel impact sur leur public. Ce que Lyon Cohen veut, lui, absolument démontrer aux cadres d’Adidas. “Quoi de mieux qu’une expérience vivante plutôt qu’un dossier classique de demande de sponsoring“, se dit-il. Lorsque les Run-DMC entament le morceau tant attendu, Angelo Anastasio n’en croit pas ses yeux. Des milliers de jeunes euphoriques se déchaussent et lèvent fièrement leurs Adidas en l’air. La marque prend alors immédiatement conscience de la force de la culture urbaine en vue de booster sa stratégie de communication – et ce en dehors des sentiers purement sportifs. Suite à cette expérience, Adidas signera le premier contrat officiel de sponsoring d’1 million de dollars. Une première entre une marque et des acteurs de la culture hip-hop. C’est historique ! Cette base fondamentale va ouvrir la voie à une nouvelle perspective commerciale innovante pour les annonceurs à travers le monde.
Source : Nonante Cinq
38 ans plus tard, de l’eau a coulé sous les ponts et utiliser la street culture à des fins marketing n’est plus aussi rare.
Et le monde du vin et des spiritueux dans tout ça ?
Traditionnel et terrien par essence, le monde du vin et des spiritueux se situe (sur le papier) aux antipodes de la street culture. Aux antipodes peut-être, pourtant cela n’empêche pas le monde des spiritueux de se distinguer avec des partenariats comme :
Drake et Virginia Black Whisky (rien que le nom du site “urban drinks” met la puce à l’oreille)
Plus récemment, au Royaume-Uni, Chivas s'est associé au rappeur britannique Stefflon Don pour célébrer ceux qui redéfinissent le succès. En lançant une bouteille en édition limitée "Chivas 12 x Stefflon Don" dans le cadre de ce partenariat, Chivas a pu intégrer la campagne dans différents moments de consommation, ce qui a permis d'accroître la notoriété de la marque.
Des références à la street culture dans les spiritueux, il y en a : vous l’avez bien compris. En revanche dans le vin, c’est une autre paire de manches.
On pourrait citer la marque de Champagne Armand de Brignac, détenue à 50% par le groupe LVMH et et Jay-Z.
Ou La Cave de Saint-Chinian avec L’Art en Cave qui introduit le street art dans une cave coopérative : sur les cuves et les bouteilles.
Mais à part ces exemples, y a pas foule.
Quelle opportunité pour les vins de Bordeaux ?
Le problème des vins de Bordeaux, c’est l’image vieillissante qui leur colle à la peau. En adoptant ce nouveau positionnement + identité + stratégie de communication : Bordeaux envoie tout bouler. Et s’affirme en tant que région moderne et créative.
On ne lui donne pas la parole ? Ok, elle va la prendre.
Et grâce à cette ADN urbain elle va :
toucher un public plus large et diversifié, notamment les consommateurs plus jeunes et urbains
créer un lien émotionnel fort avec les segments de marché associés à la street culture
projeter une image de dynamisme, d'audace et d'avant-gardisme
se différencier sur un marché compétitif en renforçant son attrait et sa pertinence
augmenter la mémorabilité de la marque en restant gravée dans l'esprit des consommateurs
renforcer l'impact et sa visibilité, notamment sur les réseaux sociaux
Qui est la cible ?
Si vous vous attendez à voir une segmentation à l’âge, vous vous fourrez le doigt dans l’oeil.
Avec cette campagne, le but ce n’est pas de cibler les 18-25 ans ou les cinquantenaires, nan !
Ici, le but c’est de cibler la nouvelle génération de buveurs de Bordeaux.
Ceux qui :
se sont désintéressés de Bordeaux alors qu’en fait, on fait des trucs stylés à Bordeaux
vont découvrir que Bordeaux est dynamique
cherchent à consommer des vins créatifs
Une cible qui ne demande qu’une chose : être inspirée dans ses choix de vins.
Analyse du slogan
La nouvelle campagne des Vins de Bordeaux s’articule autour du slogan “Ensemble, tous singuliers”.
Maintenant, analysons la structure du slogan.
ENSEMBLE
évoque l'idée de rassemblement et d'unité. Cela suggère que malgré la diversité des vignobles, des cépages et des producteurs dans la région de Bordeaux, ils partagent tous une même identité et un même objectif.
implique une dimension communautaire forte. Il sous-entend que les producteurs de Bordeaux travaillent ensemble, partagent des connaissances et des ressources, et s'entraident pour promouvoir et préserver la réputation + la qualité des vins de la région.
TOUS
sous-entend que chaque acteur dans la région des vins de Bordeaux, qu'il s'agisse des producteurs mais aussi des vignobles, des cuvées, des cépages ou même des consommateurs, participe à cette dynamique collective.
élargit la portée du message en incluant tous les membres de la communauté dans cette vision collective.
SINGULIERS
met en avant l'unicité et la spécificité de chaque vignoble et producteur dans la région. Cela souligne que même si chaque domaine a ses propres caractéristiques et particularités, ils font partie d'un ensemble plus vaste, contribuant ainsi à la richesse et à la diversité des vins de Bordeaux.
Pourquoi c’est un bon slogan ?
Il est succint mais puissant, ce qui le rend facile à retenir et à associer à la région de Bordeaux.
Il reflète avec précision l'esprit collectif et la diversité des vins de Bordeaux, tout en soulignant l'unicité de chaque producteur et de chaque vin.
En mettant l'accent sur l'idée d'être "ensemble", le slogan crée un sentiment d'appartenance et d'inclusivité, tant pour les producteurs que pour les consommateurs.
Le slogan peut être interprété de différentes façons, ce qui permet aux consommateurs de s'approprier le message en fonction de leurs propres expériences et perceptions des vins de Bordeaux.
Les affiches
La cible : essentiellement urbaine.
Les canaux de diffusion : métro parisien (la campagne a été affichée à partir du 7 février à l'occasion de WineParis) + presse.
Les 10 visuels réalisés par l’agence ont été pensés comme des affiches de cinéma et nous invitent à découvrir l’histoire des hommes, des femmes, du terroir et des vins.
Ce que je remarque c’est surtout la présence de “vrais” professionnels du monde du vin.
Pas de mannequins, pas d’acteurs : que du vrai !
Pas peu fière d’ailleurs de vous apprendre que la jeune femme que vous voyez sur l’affiche de gauche en tablier s’appelle Iris Cottrau-Lejeune, elle est la fondatrice de Maison Lejeune, une épicerie-caviste spécialisée dans les produits made in Bordeaux. Mais surtout, c’est une abonnée de la newsletter. Coucou Iris !
Choisir des vrais acteurs du vin, je trouve que c’est un excellent choix, loin des strass et des paillettes de certaines propriétés qui :
humanise le vignoble
donne à voir tous les acteurs du monde du vin de Bordeaux qui collaborent ensemble au renouveau de la région
Le Syndicat des Vins de Champagne avait adopté cette stratégie lors de sa campagne en juin 2022 et cela avait été un vrai succès !
(RayonBoissons)
Là où je suis moins emballée, c’est sur les phrases qui sont un peu trop complexes, particulièrement pour des gens qui se sont détournés des vins de Bordeaux du fait de leur complexité et de leur discours un peu suranné.
À l’exception de la phrase “nous cultivons nos vignes comme nos jardins”.
J’ai trouvé cette phrase particulièrement maline car :
elle établit un parallèle entre la culture de la vigne et l'entretien d'un jardin personnel
l’analogie évoque le soin méticuleux, l'attention aux détails et le respect de la nature dans la viticulture
la campagne met en valeur les pratiques viticoles respectueuses de l'environnement du vignoble bordelais
elle renforce la confiance des consommateurs dans la qualité et l'authenticité des vins de Bordeaux
la phrase sert de passerelle pour attirer de nouveaux consommateurs réticents en raison de tout le battage médiatique qu’il y a eu il y a quelques années au sujet des pesticides
elle suggère que les vignobles sont entretenus de manière responsable, rassurant les consommateurs soucieux de leur santé et de l'environnement
Le film de marque
La cible : ici on cherche à cibler de plus jeunes consommateurs de vin.
Les canaux de diffusion : Facebook, Youtube et Instagram.
Ce film dure 1m01, d’autres versions sont prévus (déclinées 20’’, 15’’ et 10’’) et nous plonge dans l’énergie créative d’un “crew” inspiré et inspirant.
Ce qu’il faut retenir de ce film
il est structuré autour de rencontres, à la manière d’une véritable aventure humaine qui donne à voir différents professionnels du monde du vin (Stéphanie responsable communication, Sally oenologue, Pierre vigneron, Jérôme négociant, etc) là encore pour souligner toute la diversité de la région viticole.
il révèle à lui seul toute l’énergie, la passion et le savoir-faire des différentes générations/métiers qui travaillent ensemble sur le terroir bordelais.
il s’approprie des codes de la street culture (la musique, le “grand crew” prononcé à la fin par exemple).
C’est créatif, impactant et plein d’énergie !
Là on a envie de faire partie de la grande famille de Bordeaux, là on se dit qu’on “ose” en buvant du Bordeaux.
Là on dit oui !
Le hashtag
Je ne sais pas si vous avez fait gaffe mais que ce soit sur la vidéo ou les affiches on voit apparaître un hashtag #JointheBDXcrew
Je comprends bien que l’enjeu soit de créer un # communautaire qui puisse s’exporter facilement à l’étranger mais, je ne suis pas convaincue de son utilisation. J’ai du mal à imaginer les gens partager leur bouteille de Bordeaux utiliser le # associé.
Néanmoins, pour développer le côté communautaire du crew, je valide à 100% cette idée.
Selon moi, il matche davantage avec la vidéo, le rythme et la bande-son.
Ce qu’il faut retenir
Si le but de cette nouvelle identité était de contrer le Bordeaux bashing et de remonter le moral des troupes en montrant que Bordeaux en a sous l’capot : mission réussie !
Pour info, sachez que pour ce lancement : l’agence So Bang est aux manettes de la stratégie, de la production de contenu et du community management des réseaux sociaux des Vins de Bordeaux. À savoir Instagram, YouTube et Facebook.
Ben oui, maintenant qu’il y a une identité forte à véhiculer, il faut communiquer !
Vous avez aimé cette campagne (ou pas) ?
N’hésitez pas à me le dire par hibou, dans les commentaires ou juste en réponse à ce mail.
Vous souhaitez poser une question ?
Rdv en commentaire, sur LinkedIn ou par mail. J’y répondrai au prochain épisode, croix de bois, croix de fer.
J’pense qu’on a fait le tour pour aujourd’hui.
À tout bientôt !
PS - d’ici là, prenez soin de vous.